Gillioen avocat

Après le jour le plus long, le délai le plus long : le regroupement familial

Le 15 janvier dernier, le Ministère de l’intérieur et de l’immigration dévoilait ses statistiques sur l’année 2015. Grand moment s’il en est, le ministre pouvait se réjouir de voir augmenter le nombre de demandeur d’asile ayant obtenu le statut de réfugié. On passe de 11 483 en 2014 à 12 230 en 2015 soit 747 personnes en plus. A contrario, selon les chiffres du Haut-Commissariat aux réfugiés, il serait arrivé en Europe 1 million de migrants dans la même période. Il y a effectivement de quoi se féliciter. Juste parce que le chiffre est dérisoire mais si vous venez en Europe et espérez obtenir le statut de réfugié en France sachez que vous avez 0,014 chance de réussir (ce taux prend en compte l’asile territorial et la protection subsidiaire).

Dans le même temps le nombre de visa délivrés par les autorités consulaires lui diminue. C’est dire si la politique d’immigration est réellement pensée ou s’il s’agit d’une gageure dont les gouvernements successifs s’accommodent (fort mal) comme ils le peuvent.

Quel rapport avec le regroupement familial ? Principalement le fait qu’aujourd’hui en moyenne et selon les préfectures le délai d’attente pour obtenir une réponse se situe entre 1 an et 1 an et demi. J’ai eu l’occasion de voir des clients qui ont attendus plus d’un an avant de se décider à agir par voie judiciaire. Or le droit à une vie familiale normale a été reconnu comme principe constitutionnel (1993) et principe général du droit (CE, 8/12/1978, n°10097).

Ces délais sont d’autant plus insupportables que la loi prévoit un délai strict de 6 mois pour que la préfecture instruise le dossier.

Car le regroupement familial prévu par les dispositions de l’article L.411 et suivant du CESEDA ne suppose que deux exceptions à l’article L.411-5 : les revenus du demandeur et le logement considéré comme normal. Ces conditions sont bien souvent remplies d’autant que les revenus du conjoint du demandeur peuvent également être pris en compte même s’il n’est pas présent en France.

Pourtant ce motif d’admission au titre de séjour en France est en constante diminution depuis plusieurs années (en chute de 27% depuis 2003 selon un rapport de 2009 Les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration).

Dans un cas qui a récemment été traité par le cabinet, le requérant avait fait une demande de regroupement sur place pour son épouse ce qui lui était permis car elle séjournait déjà en France sous un autre titre de séjour. Malgré cela, la demande déposée en juin 2015 n’avait toujours pas été traitée en janvier 2016.

Or et c’est en particulier sur ce point qu’il faut retenir la responsabilité de l’administration, l’absence de délivrance a eu pour conséquence la perte de son emploi pour la personne et l’impossibilité d’en trouver un autre pendant plusieurs mois. Les conditions exigées par le CESEDA étaient parfaitement remplies au moment de la demande.

Placé face à cet écueil, le juge administratif saisi dans l’urgence en référé peut faire bouger la préfecture. Très souvent, celle-ci fait droit à la demande des intéressés car elle sait être en tort du fait de ce délai à rallonge.

C’est ce qu’il s’est passé dans ce dossier, l’administration a finalement délivré le titre de séjour avant l’audience pour éviter une condamnation.

Victoire à la Pyrrhus donc puisque le juge des référés a considéré que la requête étant devenue sans objet, il n’avait pas à condamner l’administration. Certes la requérante a obtenu le titre de séjour mais elle n’a pas été indemnisée de son préjudice alors que la préfecture était clairement en tort.

Au vu du délai de la procédure de regroupement familial qui ne fait que de s’accroitre, on ne peut que souhaiter que des sanctions pécuniaires contre les préfectures seront appliquées plus sévèrement de la part des tribunaux.