Pays de destination : condition obligatoire de l’OQTF
Le pays de destination doit être mentionné dans toutes décisions d’obligation de quitter le territoire. En effet, il n’est pas possible pour la France de prendre une mesure d’éloignement (une OQTF avec ou sans délai) sans l’assortir d’un pays de destination (Article L511-3-1 du CESEDA). Malheureusement, il arrive des situations où le juge administratif annule le pays de destination pour des raisons juridiques que nous allons voir mais il n’oblige pas pour autant l’administration à réexaminer le dossier ce qui créé une décision inexécutable pour l’administration.
La décision fixant le pays de destination est ainsi liée à la décision d’obligation de quitter le territoire. La logique est la suivante : on peut difficilement renvoyer une personne dans un pays qui ne l’accepterait pas. Par exemple si la France renvoi une personne de nationalité turque en Algérie, les autorités algériennes n’accepteront pas et elles sont en droit de le faire. Il existe une autre possibilité lorsqu’un accord de réadmission a été conclu en la France et un autre État.
Le préfet qui prend la décision choisit donc le pays de destination. Il s’agit systématiquement du pays dont le ressortissant étranger a la nationalité. Cette décision est notifiée avec les trois autres (refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et refus de délai de départ) et doit être contestée dans le même délai soit 30 jours. Il est nécessaire de contester la décision dans le cadre du recours car elle est susceptible d’être annulée pour d’autres raisons juridiques que les trois premières. Je vais donc donner quelques exemples de situations où la décision fixant le pays de destination sera contestable.
Une première possibilité est celle où l’étranger peut prouver qu’il risque de subir un traitement inhumain ou dégradant dans son pays d’origine, il peut solliciter l’annulation de la décision. Il paraît logique d’éviter de renvoyer une personne dans un pays où elle peut prouver qu’elle a été victime par exemple de violences en raison de sa religion, son sexe ou ses opinions politiques.
La seconde possibilité est un peu similaire. Elle concerne les étrangers malades. Leur titre de séjour est conditionné par la possibilité pour eux d’obtenir un traitement pour leur maladie dans leur pays d’origine. Si la personne est atteinte d’une maladie qui nécessite par exemple plusieurs médicaments et qu’il est prouvé que ceux-ci ne sont pas disponibles, la décision fixant le pays de destination est illégale puisque cela aurait pour conséquence d’envoyer une personne dans un pays dont on sait déjà qu’elle ne pourra pas y trouver le traitement médical nécessaire à sa survie.
La troisième possibilité est celle où il existe un accord de réadmission entre la France et l’État dont l’étranger a la nationalité. Dans ce cas, le Préfet doit viser cet accord et en faire application car il prévoit les modalités de remise de l’étranger à l’autre État. Mais ce type d’accord reste assez rare en-dehors des pays de l’Union Européenne.
Une autre solution dont j’ai eu à traiter dernièrement et qui arrive souvent en pratique concerne les étrangers qui disposent d’un titre de séjour de longue durée dans un autre État Membre de l’Union Européenne. L’illustration est la suivante : la personne a une carte de séjour de longue durée en Espagne et vient en France pour faire une demande de titre de séjour. Elle est de nationalité tunisienne. L’administration refuse de faire droit à la demande et oblige la personne a repartir vers son pays de nationalité à savoir la Tunisie. Or il est probable qu’elle n’ait plus de lien familiaux en Tunisie et encore moins sociaux. Ainsi il appartient dans ce cas à l’administration de renvoyer la personne à destination de l’Espagne et non pas de la Tunisie.
Ce cas arrive fréquemment, et il reste important de solliciter l’annulation de la décision fixant le pays de destination car cela démontre bien la faute commise par l’administration. Bien évidemment il s’agit d’un contentieux extrêmement spécifique et qui est moins connu que celui des mesures d’éloignement mais dont on peut se saisir et à ne pas négliger.