Gillioen avocat

L’urgence dans le regroupement familial : le référé-suspension

L’urgence lorsqu’une personne a déposé une demande de regroupement familial est une notion juridique intéressante. Car la demande de regroupement familial prend souvent un temps considérable à être traitée en fonction des préfectures allant de 6 mois (ce que la loi prévoit) à 24 mois parfois. L’étranger qui est en droit de demander un regroupement familial se retrouve donc privé de sa famille (enfant ou conjoint) pour une période conséquente.

La raison de ce retard est simple. Sur la liste des priorités des préfectures, le regroupement familial figure tout en bas de la pile. De plus, les demandeurs (l’étranger qui vit en France) n’ose pas trop relancer la préfecture de peur qu’elle prenne une décision de rejet. On en arrive ainsi à des délais de traitement de dossier qui ne sont plus du tout raisonnable. Juridiquement pourtant le délai est encadré clairement par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) .

L’article L421-4 du CESEDA dispose que le Préfet doit statuer sur la demande dans un délai de six mois à compter du dépôt du dossier par l’étranger. Il s’agit ici d’une obligation légale, ce qui vont donc dire que le Préfet doit rendre une décision dans le délai prévu. Et après ce délai, l’absence de réponse correspond à une réponse négative dite implicite.

C’est cela qui va par la suite créer une situation d’urgence propre à saisir le juge administratif. En effet, il n’est pas possible de saisir le Tribunal administratif sans que l’administration n’ait pris une décision qui soit opposable à l’étranger. Mais lorsqu’il existe un délai au terme duquel la préfecture doit répondre à la demande formulée, l’expiration de celui-ci entraîne une décision implicite de rejet. En réalité, la décision n’a pas encore été prise. Mais comme le délai est immensément long (souvent le double des 6 mois prévu), la séparation entre les époux ou entre le parent et l’enfant peut créer une situation d’urgence.

urgence

Évidemment celle-ci ne se présume pas et il faut donc avoir des preuves qui permettent de l’établir. Par exemple, des certificats médicaux ou des billets d’avion qui démontrent bien la situation difficile pour la famille ainsi séparée. C’est souvent l’une des choses les plus difficiles à obtenir.

Pour que le juge agisse et rende une décision très rapide (un dossier en référé peut avoir une issue en 1 mois), il faut aussi démontrer que la décision est entachée d’une illégalité manifeste. Pour le dire autrement, il faut prouver au juge que l’administration a fait une très grosse erreur. Pour ce qui nous préoccupe ici, à savoir le regroupement familial, il s’agit des conditions propres à cette demande. Donc il ne sera possible d’avoir recours à cette procédure d’urgence que si l’étranger en rempli bien les conditions de ressource et d’hébergement.

Si le juge est convaincu, il rend une ordonnance et non pas un jugement. Cette ordonnance a pour objet de dire à l’administration (la préfecture donc) qu’elle doit rendre une décision sur le regroupement familial rapidement. L’injonction se situe en général entre 2 semaines et 1 mois mais jamais plus. De plus, s’il considère que la préfecture a réellement mis l’étranger dans une situation difficile et qu’il y a une urgence particulière, cette ordonnance peut s’accompagner d’une astreinte c’est-à-dire une somme d’argent que devra verser l’État s’il dépasse la date prévue pour prendre sa décision.

Lorsqu’un regroupement familial est au point mort, il devient donc intéressant d’utiliser la procédure de référé-suspension. Malheureusement, si le juge peut beaucoup, il reste rare qu’il intervienne préférant aller dans le sens de l’administration estimant que les délais ne sont pas de sa responsabilité pour des raisons diverses et variées.

Néanmoins, je reste persuadé que lorsqu’un regroupement familial dépasse un an, il devient utile d’essayer de faire bouger la Préfecture en entamant une procédure de référé-suspension. C’est d’autant plus vrai que la requête étant communiquée à la Préfecture, elle peut également prendre directement la décision d’accorder le regroupement familial sans avoir à attendre l’issue du procès.