Regroupement familial : procédure et droits de l’étranger
Le regroupement familial est encore une fois sous le feu des critiques en ce début d’année qui sera marquée par une échéance politique majeure. Cette procédure est pourtant un droit consacré en France à travers le préambule de la constitution du 27 novembre 1946 et qui a été dégagé par la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 8 décembre 1978, Gisti, CFDT, CGT). Le regroupement familial est ensuite devenu un principe constitutionnel suite à une décision du Conseil Constitutionnel du 13 août 1993.
Infographie : le regroupement familial pour qui et comment ?
Dès lors, on peut déjà comprendre que certains discours politiques sont complètement faux quand ils affirment qu’il est possible de voter une loi qui interdirait ou remettrait en cause le regroupement familial. Un principe constitutionnel est supérieur à une loi votée par le Parlement. Donc à moins de changer la Constitution de la Ve, le regroupement familial continuera d’exister pour les étrangers vivant en France.
Comme je l’avais déjà mentionné, cette procédure est généralement longue puisqu’en moyenne le délai est d’un an pour obtenir une décision favorable ou non. De plus, devant le Tribunal administratif, il ne s’agit pas d’une obligation de quitter le territoire, donc le délai de jugement est le délai « normal » soit en moyenne 12 mois pour le Tribunal administratif de Lyon. Forcément, ce genre de délai est bien trop important puisque cela veut dire qu’un étranger qui veut bénéficier de cette procédure ne pourra vivre avec son enfant ou son conjoint, s’il y a eu un refus de regroupement familial, qu’au bout d’une période de 24 mois soit deux ans.
Malheureusement, le juge administratif ne semble pas être trop préoccupé par ce problème. Heureusement, la possibilité de le saisir par le biais d’un référé-suspension en urgence permet parfois de réduire ce délai et de bénéficier du regroupement familial en moins d’un an (si les conditions en sont remplies).
Le dossier de demande est déposé à l’OFII qui va rendre un avis favorable ou défavorable. La nature de cet avis n’est pas contraignante pour la préfecture qui n’est pas tenue de le suivre.
Pour obtenir le regroupement familial, l’étranger qui le sollicite doit réunir trois conditions au minimum. Je vais d’abord les exposer ci-après avec des précisions quant à l’application qui est faite par l’administration dans l’analyse du dossier.
D’abord, l’étranger, pour qui la mesure est sollicitée, doit résider hors de France. Pour le dire plus simplement, si votre conjoint vit déjà avec vous en France sans titre de séjour, la préfecture peut refuser le regroupement familial pour ce motif. Par contre, si la personne vit déjà en France avec un titre de séjour (étudiant par exemple), cela ne posera pas de problème. L’étranger qui sollicite la mesure et qui vit en France doit lui avoir séjourné 18 mois avant de pouvoir faire la demande.
Ensuite et c’est le point clé de la procédure de regroupement familial : les ressources du demandeur. Selon le Code, elles s’apprécient sur une période de 12 mois précédent la demande et doivent être égales au SMIC pour une famille de deux ou trois personnes. De plus, elles doivent être stables. Donc un contrat à durée déterminée (CDD) par exemple sera analysé moins favorablement par la préfecture. Les étudiants seront souvent écartés de la procédure pour cette raison puisqu’ils ne bénéficient que d’un droit au travail accessoire.
Deux éléments peuvent permettre d’atténuer ce critère drastique. En premier lieu, les ressources prises en compte sont multiples. Celles du conjoint qui est à l’étranger peuvent être prises en compte pour le calcul fait par l’administration. Il doit s’agir de ressources qui continueront d’être perçues après le regroupement familial (le loyer d’un appartement par exemple). De plus, il faut que l’étranger en France pense à en informer la préfecture au moment du dépôt de la demande.
La majorité des prestations sociales sont, par nature, exclues du calcul de l’administration (RSA, Aide au retour à l’emploi, APL, CAF).
En second lieu, je précise également que si sur les douze mois, le SMIC n’est pas atteint pour chacun des mois en question, cela ne constitue pas un motif suffisant pour rejeter la demande de regroupement familial.
Enfin, la dernière condition : le logement du demandeur. Cette condition est celle qui pose le moins de problème des trois en général. Pour une famille de 2 ou 3 personnes en fonction de la zone (A, B ou C) l’appartement devra avoir une superficie allant de 32m2 à 38 m2.
Si les trois conditions sont remplies, la préfecture rend un avis favorable ce qui permet à l’étranger dans le pays d’origine d’obtenir un visa de long séjour lui permettant de rejoindre son parent ou son conjoint en France. Mais, cela arrive également que le consulat souhaite faire des vérifications d’état civil après la décision de la préfecture ce qui entraine de nouveau un délai pour l’étranger. Ci-dessous une décision favorable de regroupement familial rendue par la préfecture.
Je reviendrai dans un article sur le recours contre un refus de regroupement familial devant le Tribunal administratif et les possibilités de faire avancer plus rapidement le contentieux.
De manière générale, l’étranger doit toujours garder à l’esprit que cette procédure n’est ni simple ni évidente et que la préfecture n’hésitera pas à faire une application extrêmement stricte des conditions. Vu la longueur du délai, il faut faire la meilleure demande possible dès le début pour éviter de perdre beaucoup de temps par la suite. La possibilité d’un regroupement familial sur place est envisageable mais dans la majorité des cas demande l’intervention du juge administratif pour contraindre la préfecture.