Gillioen avocat

Vie privée et familiale : ancienneté du séjour

La vie privée et familiale prévue par l’article L313-11 7° du CESEDA est l’un des fondements du droit au séjour tel qu’il existe ou tel qu’il est interprété par le tribunal administratif. En effet, dans de nombreuses situations, il faudra avoir recours à cet argument pour essayer d’obtenir un titre de séjour ou l’annulation d’une mesure d’éloignement (OQTF). Mais il est fondamental d’avoir une juste compréhension de ce que veux dire « vie privée et familiale » car sans cela, la demande court à sa perte et l’étranger droit à une OQTF.

Je vais me concentrer sur cette page sur un seul des éléments de la vie privée et familiale qui en regroupe plusieurs : l’ancienneté du séjour. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit clairement du fondement le moins discutable quand il s’agit de soulever la disproportion d’une décision de refus de titre de séjour.

L’ancienneté du séjour c’est le nombre d’année depuis que l’étranger est entré en France la dernière fois. La fin de la phrase est importante car la vie privée et familiale ne compte que depuis l’entrée sur le territoire français. Pour le dire autrement, si un étranger est entré en France en 2010 et reparti en 2015 pour revenir en 2016, l’ancienneté de son séjour ne sera que d’une seule année et non de 6 ans même s’il a bien vécu en France pendant 5 ans auparavant.

Le Conseil d’État considère que la sortie du territoire entraîne l’interruption de la résidence continue. Cela a pour conséquence une « diminution » du droit au séjour venant de l’ancienneté de la présence en France de l’étranger. Première chose à savoir, c’est donc que l’ancienneté du séjour n’est pas absolue et peut être remise en cause.

Un exemple fréquent est le cas d’étrangers qui aux alentours des années 2013/2014 sont partis de France pour aller en Italie et en Espagne, pays où des campagnes de régularisation importante avaient lieu. Malheureusement pour ceux qui n’ont pas pu y parvenir, ils ont perdu plusieurs années écoulées de résidence ici.

La vie privée et familiale qui repose sur la présence de plusieurs années ne permet pas à elle-seule la délivrance d’un titre de séjour. Sauf pour les algériens qui peuvent après 10 ans de présence ininterrompue sur le territoire obtenir un titre de séjour de 1 an, s’ils arrivent à prouver qu’ils ont bien été sur place pendant ces années.

vie privée et familiale

Toutefois, si la délivrance du titre de séjour n’est pas absolue dans le cadre de l’ancienneté de présence, elle oblige la Préfecture à saisir la Commission du titre de séjour. Sous ce nom fort sympathique, il s’agit seulement de plusieurs membres de l’administration choisis par le Préfet qui émettent un avis sur l’intégration de l’étranger. Cette commission, comme son nom ne l’indique pas, n’a pas pour objet de faciliter l’accès au séjour. De plus, les étrangers s’y présentent souvent seuls et l’avis est négatif quant il est recueilli.

L’ancienneté du séjour dans le cadre de la vie privée et familiale offre quelques avantages mais le plus souvent lorsqu’elle est combinée avec un autre facteur : enfant, conjoint, maladie, isolement dans le pays d’origine, diplôme, famille française.

Le meilleur exemple est celui de l’admission exceptionnelle au séjour prévue par l’article L 313-14 du CESEDA et la circulaire du 28 novembre 2012. Elle permet aux étrangers qui ont vécu 5 ans (ce qui est moins que les 10 ans exigés plus haut pour les algériens) en France et qui ont des enfants scolarisés depuis 3 ans de solliciter un titre de séjour. Mais, et c’est d’une grande importance, ce n’est pas un titre de séjour de droit donc la Préfecture peut apprécier un peu comme elle le souhaite l’opportunité de délivrance d’un titre de séjour.

Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que dans la pratique des préfectures, ce type de demande au motif de la vie privée et familiale ne fonctionneraient jamais. Je dirais plutôt que c’est un fondement de demande à laquelle on peut ajouter d’autres motifs pour pouvoir espérer une issue favorable.

Quoiqu’il en soit, l’ancienneté du séjour en France est un peu le moteur de la demande de titre, et plus elle sera élevée, plus les chances d’obtenir un titre augmentent.