Droit des étrangers ou droit de l’immigration ?
La crise actuelle nous rappelle sans cesse la vision de « l’étranger » comme celle du réfugié entrain de fuir un pays dévasté par la guerre afin de trouver asile. Cette logique est toute pernicieuse puisqu’elle sous-tend que celui qui quitte son pays dans l’espoir d’améliorer sa condition et celle de sa famille ne serait pas en droit de le faire puisque n’étant pas réfugié de guerre. D’où un clivage énorme qui préjudicie souvent aux personnes venues en France pour s’intégrer dans la durée par le travail ou la famille.
Passeurs et immigration illégale : voilà ce contre quoi tous les gouvernements d’Europe sont aujourd’hui prêts à lutter avec de millions d’euros et d’accords internationaux (dont la mise en œuvre relèvera de l’utopie dans le cas entre l’UE et la Turquie mais ce n’est pas mon propos). Ce qu’il est intéressant de noter à travers l’illustration de la crise actuelle, c’est qu’en réalité, nous n’avons jamais admis qu’il puisse exister des personnes qui voudraient rejoindre la France pour tout simplement améliorer une existence, en particulier celle de leurs familles. La logique est simple : les pays d’Europe de l’Ouest, dont la France, disposent de meilleurs systèmes d’éducation, de systèmes de santé de très grandes qualités, et d’une population vieillissante qui nécessite un nouvel influx.
Loin de moi l’idée de « profiter » des pays en voie de développement. Le cliché du « pillage de cerveau » reste lettre morte. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la fameuse carte de séjour temporaire « compétence et talent » qui avait fait lever les boucliers en son temps. Avec en moyenne 200 cartes par an sur 200 000 titres de séjour, elle représente 0,001% des ressortissants des pays tiers. Le passeport talent prévu par la loi du 7 mars 2016 (futur article L. 313-20 du CESEDA) risque de subir le même sort même si le texte est plus ouvert que celui de l’ancienne carte. On verra quel sort lui réserve l’application des préfectures.
Pour en revenir au sujet initial, il faut clairement afficher une distinction entre réfugié et ressortissant de pays tiers qui cherchent à immigrer en France. L’appellation « migrant économique » est incorrecte et injuste. Mon Cabinet défend essentiellement des personnes dont l’intégration en France se fait dans la durée et qui se voient opposer par la préfecture un refus de titre de séjour, ou un refus de renouvellement suivi d’une obligation de quitter le territoire avec ou sans délai. Ils ont, en moyenne, plusieurs années de vie en France et ne conçoivent pas de retourner dans leur pays d’origine. Ils ont un travail, des enfants scolarisés, font des études. Ils participent à la société souvent d’autant plus qu’ils ressentent un besoin de prouver leur intégration au reste de la population française.
C’est tout l’inverse des demandeurs d’asile et réfugiés dont la présence en France n’a pas vocation à s’inscrire dans une période longue mais temporaire et dont les droits se termineront au moment où le contexte de guerre, de persécution ou de catastrophe naturelle disparaitra.
Cependant dans le discours ambiant de stigmatisation des « étrangers », on confond bien souvent ces deux réalités qui se côtoient mais se distinguent.
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