Arbitraire administratif : comment cela influence le droit des étrangers
L’arbitraire administratif n’est pas un élément que l’on peut définir ou dont une définition légale existerait. Mais il s’agit pourtant de quelque chose de tout à fait réel et auxquels les étrangers sont exposés dans l’ensemble des procédures du droit des étrangers. Dés que la préfecture est concernée, l’arbitraire administratif aura son mot à dire.
« J’ai répondu que le pauvre diable victime de l’arbitraire administratif c’était leur raison d’être et la principale justification de leur existence, comme l’étudiant était la principale raison d’être du professeur »
Jean Rivero
En droit des étrangers, puisque c’est ce qui nous intéresse, l’arbitraire administratif s’entend en partie de ce que l’on nomme le pouvoir de régularisation générale du préfet. Cela signifie qu’à travers cet arbitraire administratif, le préfet peut choisir de régulariser la situation de n’importe quel étranger en situation irrégulière. Par exemple si l’on prend le cas de celui qui a sauvé un enfant qui était suspendu à un balcon, le préfet a pris la décision de le régulariser sans même que ce dernier n’ait formé une demande en ce sens et alors qu’il ne remplissait aucune des conditions exigées pour les autres étrangers.
On serait tenter de croire à la lumière de cet exemple que l’arbitraire administratif est une bonne chose pour les étrangers. C’est pourtant l’inverse. Il permet à l’administration de traiter deux situations identiques dans les faits de manière différente ce qui nuit donc au principe d’égalité de traitement du service public. L’administration peut choisir que le dossier de demande de titre de séjour de Monsieur Y sera régularisé alors que celui de Monsieur X ne le sera pas et cela sans avoir à en justifier d’aucune manière.
Il me semble que ce pouvoir discrétionnaire devrait être encadré de manière législative spécialement concernant l’article L313-14 du CESEDA dans un soucis d’égalité des usagers du service public dont font partie les demandeurs de titre de séjour. A ce jour, le juge administratif laisse une grande liberté au préfet lorsqu’il fait usage de son pouvoir discrétionnaire. L’arbitraire administratif est donc laissé libre de sévir et de créer de fortes disparités dans les traitements des dossiers de demande de titre de séjour des étrangers en situation irrégulière.
Devant le Tribunal administratif, le juge ne se risquera que rarement à sanctionner l’administration lorsqu’elle fait usage de son pouvoir discrétionnaire. Tout au plus le contrôle portera sur l’usage de ce pouvoir mais non pas la façon dont il est utilisé. Pour donner un exemple, si le Préfet ne justifie pas qu’il a examiné la situation de l’étranger dans le cadre de pouvoir qu’il détient notamment dans la décision de refus de titre de séjour, un tribunal pourrait annuler cette dernière. Ce n’est évidemment pas systématique.
Et cet arbitraire administratif n’est rien de moins que le fait du prince comme le pouvoir d’amnistie du Président de la République. Il est peu conciliable à mon sens avec un état de droit dans la mesure où un état de droit fait peser une logique d’égalité de tous vis-à-vis de la loi et non pas une différenciation de traitement basée sur des critères qui ne sont pas prévus par des lois en vigueur. Certains diraient qu’il faut laisser à l’administration la possibilité de faire du cas par cas et donc qu’il est nécessaire qu’une forme d’arbitraire administratif subsiste. Cet argument paraît fallacieux et renverse le problème : parce qu’il y aurait des différences entre les gens, on doit conserver un mécanisme qui permet de remédier à celles-ci de façon à ce que le traitement final soit juste.
En réalité, il faudrait d’abord que les mécanismes légaux soient pensé non pas du haut vers le bas mais plutôt du bas vers le haut ce qui limiterait cet arbitraire administratif. Plutôt que d’imposer un système théorique, il faudrait un système empirique et prendre en compte ce qu’est un étranger en situation irrégulière et quelles sont les possibilités pour ce dernier d’obtenir un titre de séjour. Pour le dire simplement, la loi devrait partir du principe qu’un étranger sans papier doit voir sa situation régularisée lorsqu’il remplit certains critères tels que le temps passé en France, le travail, l’intégration sociale. Cela laisserait bien moins de place à l’arbitraire administratif et à l’inégalité entre les usagers du service public de l’immigration telle qu’elle existe actuellement.