Nationalité française : un domaine hors contrôle
La nationalité française constitue l’ultime étape du parcours d’un étranger en France. C’est le signe définitif que ce dernier fait partie de la nation française qu’il a rejoint et qu’il ne quittera plus. C’est aussi des possibilités nouvelles : plus de regroupement familial si l’on souhaite se marier avec une autre personne étrangère. La nationalité française s’est aussi l’accès aux emplois de la fonction publique. Et enfin, c’est le bénéfice de la protection d’un citoyen de l’Union Européenne.
Malheureusement, la nationalité française est devenue un parcours encore plus compliqué que celui pour obtenir un titre de séjour. A tel point, que nombreux sont ceux qui se découragent tellement les délais sont longs (en moyenne deux années si tout se passe bien). Pour ceux qui veulent y prétendre, il faut comprendre un élément essentiel et qui irrigue ce qu’on pourrait appeler le droit de la nationalité.
La France est tributaire de son histoire sur ce point. Le fait du prince, l’autorité de l’État, l’État providence (celui qui voit loin) sont en réalité les obstacles majeurs au bénéfice de la nationalité française pour les étrangers. D’ailleurs le code civil qui régit toute la procédure nomme celle-ci « acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique ». Pour simplifier, un étranger n’aura jamais le « droit à » obtenir la nationalité française. Voila donc un indice de l’immigration à la française : vous pouvez faire tout ce que vous voulez, ils auront toujours la possibilité de vous refuser d’intégrer la nationalité du pays que vous aidez à construire.
C’est injuste pour les étrangers qui font souvent des efforts énormes pour s’intégrer et ce dans l’indifférence souvent général des pouvoirs publics et encore plus de l’administration. Aucune révolution majeure n’est d’ailleurs à espérer dans ce domaine du droit des étrangers.
Une fois que ce cadre est posé, il devient plus facile de comprendre la difficulté de la procédure pour obtenir la nationalité française. Commençons avec les différents délais et ensuite les conditions draconiennes à respecter.
Le code civil dispose que la décision de naturalisation doit intervenir dans un délai de 18 mois à compter « de la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution d’un dossier complet contre laquelle un récépissé est délivré immédiatement ». Déjà ce délai ne commence pas au même moment pour tous puisque toutes les préfectures n’ont pas la même procédure. A Lyon, il vous faudra compter environ 24 mois alors qu’en région parisienne le délai est plus proche des 12 mois. Le problème est lié au PIMPS, une association qui s’occupe de compléter les dossiers, mais qui n’est en réalité qu’un rouage supplémentaire puisque pour indication, aujourd’hui les premiers rendez-vous dans un PIMPS sont en octobre 2017.
D’autant plus que si l’administration excède ce délai, les possibilités de recours administratif devant le Tribunal administratif de Nantes ne seront pas forcément les plus simples à exercer.
Les conditions d’octroi de la nationalité française se séparent en trois catégories dont il faudra évidemment remplir chacune pour espérer obtenir le précieux sésame.
La première catégorie de condition est la période de présence en France. Elle doit être de 5 ans sauf exception. Seul la présence en situation régulière compte. Si vous travaillez dans un pays frontalier de la France, cela peut également être un motif de refus.Si vous avez vécu 20 ans en France mais n’avez un titre de séjour que depuis 4 ans vous ne pouvez pas devenir français puisque vous avez été en situation irrégulière auparavant. Et ça peut devenir encore mieux : la présence irrégulière est un motif de refus de la nationalité française !
Car la seconde catégorie de conditions est relative à ce qui s’appelle « bonne vie et mœurs ». C’est un reliquat d’une période historique totalement dépassée mais qui subsiste car après tout pourquoi l’État se priverait d’une possibilité supplémentaire de refuser aux étrangers le bénéfice de la nationalité française. D’autant que comme vous pouvez le voir sur la décision d’ajournement ci-dessous, une simple amende peut suffire pour ne pas remplir cette condition.
Enfin, la troisième catégorie de raison pour laquelle, un refus de naturalisation peut être opposé, est les ressources stables et suffisantes. L’analyse est la suivante : si vous ne disposez pas d’un CDI avec au minimum un SMIC comme salaire, il y a de grands risques de refus. Ça pose aussi problème si vous êtes commerçant ou artisan.
Cerise sur le gâteau, les moyens pour contester une décision d’ajournement ou de rejet de nationalité français sont particulièrement longs puisqu’il faut d’abord faire un recours gracieux à l’administration qui dispose d’un délai de 4 mois pour répondre et seulement ensuite il est possible de déposer un recours devant le Tribunal administratif de Nantes seul compétent en la matière.
Concrètement, la procédure d’acquisition de la nationalité française par décret est très longue, difficile et les moyens de recours lents à mettre en œuvre.