Gillioen avocat

Ajournement de demande de nationalité : quel recours ?

Le recours contre une décision d’ajournement de nationalité française obéit à des règles spécifiques qui dérogent au droit commun. J’ai déjà abordé la question complexe de la difficulté de pouvoir faire la demande de naturalisation, il reste à traiter celle de l’ajournement de cette demande de naturalisation.

Première chose il faut bien distinguer entre un rejet de la demande de naturalisation et un ajournement. Même si le résultat final est le même, les conséquences sont différentes. On pourrait croire qu’un ajournement est moins grave qu’un rejet pour irrecevabilité mais ce n’est pas le cas.

Lorsque le client voit son dossier rejeter c’est qu’il ne remplit pas les conditions de forme de sa demande : vivre en France et depuis au moins 5 ans. Dans ce cas, l’administration rejette purement et simplement la demande. Il s’agit d’une décision tout aussi contestable que l’ajournement mais à cette différence qu’il est possible de refaire une nouvelle demande instantanément..

Par contre, en cas d’ajournement à 2 ans (c’est la durée que l’on retrouve le plus souvent), il n’est pas possible de reformer une demande de naturalisation pendant une période de deux ans. Or le délai actuel du traitement d’un recours par le Tribunal administratif de Nantes atteint prés de 18 mois (en 2017). C’est-à-dire que vu la durée du contentieux prévisible, il est plus intéressant pour un étranger qui a obtenu un rejet de faire une nouvelle demande que de saisir le Tribunal administratif de Nantes.

ajournement

Tribunal administratif de Nantes : Il est le seul Tribunal administratif en France compétent pour juger des recours contre une décision de rejet ou d’ajournement d’une demande de naturalisation française. Comme il est aussi chargé des recours contre les refus de visa, les délais d’instruction des dossiers atteignent des records inégalés par tous les autres Tribunaux. Mais le Conseil d’État a clairement fait savoir que ce type de contentieux ne s’entendait pas de l’urgence et donc que ces délais, dont on doit clairement poser la question en terme d’accessibilité au juge sur le fondement de l’article 6 de la CEDH, étaient acceptables.

Les cas d’ajournement sont concentrés sur les étrangers qui n’auraient pas de revenus stables ou suffisants depuis suffisamment de temps au moment du dépôt de la demande de naturalisation ou ceux qui ont un casier ou commis des infractions ayant entraîné un signalement.

La décision d’ajournement est notifiée par voie postale et fait courir un premier délai de deux mois pour exercer un recours gracieux ou hiérarchique obligatoire. Une fois ce recours exercé, l’administration dispose d’un délai de quatre mois pour répondre. A l’issue de ces quatre mois, soit l’administration a répondu de manière défavorable ou elle n’a pas répondu.

S’il y a une réponse, alors l’étranger disposera d’un délai de 2 mois suite à celle-ci pour saisir le Tribunal administratif. Sans réponse, il faudra attendre la fin des 4 mois depuis le recours hiérarchique ou gracieux contre la décision pour faire courir le délai de 2 mois pour déposer un recours pour excès de pouvoir.

Donc avant même de pouvoir saisir le Tribunal, il faut compter un délai qui peut aller jusque six mois à compter de la décision d’ajournement.

Une fois devant le Tribunal, celui-ci communique le recours au Ministère de l’Intérieur qui est la partie défenderesse dans le procès. Il dispose d’un nouveau délai pour conclure en défense. Le Tribunal peut prendre une ordonnance de clôture de l’instruction pour accélérer la procédure mais il le fait très rarement pour éviter de trop contraindre l’administration.

Clairement la solution actuelle du recours contre une décision d’ajournement de demande de naturalisation n’est pas acceptable. Est-ce que l’accès à un tribunal pratiquement deux ans après la décision querellée est légal ? Non.

Afin de solutionner ce problème, il m’apparaît d’une évidence absolue que ce contentieux ne devrait plus être centré sur un seul tribunal administratif en France mais pris en fonction du lieu de résidence des demandeurs qui font l’objet d’une décision d’ajournement.