Le filtre de l’obligation de visa de long séjour pour les primo-demandeurs
Lors de très nombreuses demandes de titre de séjour, il est exigé du demandeur que celui-ci soit en possession d’un visa de long séjour sans lequel sa demande ne sera pas prise en compte par l’administration préfectorale (soit un refus d’enregistrement) ou rejetée pour défaut de visa.
On aurait tort de croire que c’est un problème isolé puisqu’il se rencontre dans beaucoup de situations pour les primo-demandeurs : Carte de séjour pour conjoint de français (L.313-11 4° du CESEDA), carte de séjour étudiant (L. 313-7), carte de séjour commerçant ou salarié (L 313-10 1° et 2°). Certaines préfectures, dans la région Rhône-Alpes pour ne pas les citer, arrivent à refuser l’enregistrement d’un dossier dès que le visa n’est pas produit. Ce qui est d’autant plus embêtant pour les demandeurs qui déjà ont dû attendre 4 à 5 mois pour avoir un rendez-vous.
Ce qu’il faut savoir c’est que les textes prévoient des situations où l’absence de visa ne doit pas pour autant empêcher la préfecture de prendre une décision sur la demande. C’est le cas des conjoints de français ou des étudiants. Une personne qui demande un titre de séjour étudiant et qui se voit obliger de retourner faire les démarches auprès du consulat français dans son pays d’origine pour obtenir un visa en plein pendant son année universitaire cela n’a pas de sens. Sachant que les délais consulaires sont facilement de quelques mois, elle perd tout le bénéfice de sa scolarité.
Et pourtant, dans un cas que j’ai récemment traité, la préfecture a tenu exactement cette position en constatant que la cliente qui n’avait pas de visa aurait dû retourner faire les démarches auprès du consulat. C’est assez consternant quand on sait que le CESEDA prévoit spécifiquement une disposition qui permette le contraire. Le Tribunal administratif de Lyon a été saisi de la question en référé et au fond, l’audience de référé est prévue le 14 juin prochain.
Si le Code ne le prévoit pas, il existe des circonstances qui font que l’obligation de visa ne saurait s’opposer à une norme de droit supérieur tel qu’un traité international (Convention européenne des droits de l’homme, Convention internationale des droits de l’enfant). Encore une fois, il s’agit d’appliquer une certaine logique face à des considérations bien administratives.
L’illustration serait la suivante : un ressortissant étranger en situation irrégulière, qui parent d’un enfant né en France et qui réside avec son conjoint (qui lui dispose d’un titre de séjour) et l’enfant, solliciterait un titre de séjour où l’obligation de visa s’appliquerait. Dans cette configuration, l’intérêt supérieur de l’enfant qui est d’avoir ses deux parents à ses côtés (d’autant s’il est en bas âge) prévu par l’article 3 alinéa 1 de la CIDE sera que son parent soit dispensé de cette obligation. La jurisprudence a dans de nombreux cas tranchés en ce sens.
Plus qu’un filtre initial à l’immigration, c’est devenu (en raison d’une pratique délibérée, il ne faut pas le cacher) un mécanisme de blocage destiné à faire opposition aux demandes de certaines personnes qui rempliraient les conditions de fond exigées.
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