Gillioen avocat

Les longs procès du Tribunal administratif

Je souhaite présenter un sujet qui revient à chacun de mes rendez-vous avec mes clients : celui du temps que va prendre leur procès. C’est tout à fait légitime de se poser cette question car quand on est sous le coup d’une mesure d’éloignement ou sans titre de séjour, on veut savoir combien de temps cela peut durer.

La réponse est différente en fonction des décisions opposées par l’administration mais malheureusement, même avec des procédures d’urgence, il reste difficile d’obtenir un jugement rapidement (principalement dans les grandes agglomérations comme Lyon).

Je vais faire un classement de ce qui peut aller des procès les plus rapides à ceux qui peuvent durer plusieurs années (oui cela arrive).

En cas d’urgence (condition sine qua non de cette procédure), il est possible de saisir le juge des référés qui rend une ordonnance dans un court délai. En général, on a un procès qui doit aboutir en 2 à 3 semaines.  C’est le cas par exemple lors des refus de renouvellement de titre de séjour ou par exemple quand la préfecture dépasse le délai prévu pour l’instruction des dossiers de regroupement familial.

Viens ensuite l’essentiel du contentieux, regroupé sous le nom barbare de « OQTF 3 mois ». Il y a également la variante « OQTF 72h » : c’est le même type de décision mais c’est expéditif avec un seul juge désigné. Et il ne faut surtout pas croire que justice expéditive = bonne justice c’est tout l’inverse. Donc revenons à notre OQTF 3 mois : une fois saisi le Tribunal doit juger dans un délai de 3 mois. Pourquoi ? Parce que cette décision n’est exécutable que pour une période d’une année. Après, elle perd ses effets juridiques. Donc si le délai est trop important, le Tribunal se retrouve à rendre un jugement dont l’intérêt est moindre puisque les effets de la décision administrative auront disparus (ou on en sera proche).

Au Tribunal Administratif de Lyon, le délai « OQTF 3 mois » est actuellement arrivé à près de 6 mois. Autant vous dire que ça perd de son sens. Alors pour réduire ce délai (conséquence d’un trop grand nombre d’affaire), l’ancien président du Tribunal administratif de Lyon avait décidé de généraliser le rejet par ordonnance, une sorte de 49-3 (c’est à la mode en ce moment). Ça n’a pas eu les effets escomptés et aujourd’hui on en arrive à l’ouverture d’une 9e chambre spécialisée dans le contentieux des étrangers.

Cette situation est préoccupante :

  • Elle place les personnes dans une situation de précarité judiciaire pour une longue période (6 mois minimum) ;
  • La procédure judiciaire prévue (le recours en annulation pour excès de pouvoir) est encore moins adaptée puisqu’elle est censé se placer au moment où la décision est prise par l’administration.

Une solution avancée et qui retient un soutien plutôt général des magistrats et des avocats serait de passer à un plein contentieux.

Qu’est-ce que c’est ? Tout simplement le juge ne serait plus celui d’une décision mais d’une personne. Ce qui est la réalité que pour l’instant la fiction judiciaire nous dénie.

Enfin, dernier type de procès, et ce sont les plus longs : les refus de titre de séjour sans OQTF (implicites parfois) ou les recours contre les décisions de la DIRECCTE. Comme il n’y a pas d’obligation de quitter le territoire, le Tribunal prend son temps. Le ressortissant étranger reste alors en attente d’une décision importante pour sa vie et son avenir pendant un an.

La réforme récente des procédures judiciaires ne devrait pas changer beaucoup de choses à ce niveau là puisqu’elle n’a pas retenu le passage au plein contentieux.

Est-ce que tous ces délais sont bien normaux ? Bien sûr que non. Les clients ne comprennent pas toujours et je ne peux rien faire d’autre que d’expliquer que cette justice, lente (on ne parle même pas de la qualité des jugements rendus), est la seule chose qui les protège de l’arbitraire administratif (la préfecture).

Le client doit continuer à combattre pour ses droits, même lorsque le procès est long car il n’y a pas d’alternative, pas de baguette magique qui peut tout changer. Ce n’est certainement pas facile, mais c’est le passage obligé pour ceux qui se retrouvent à faire un procès à l’administration.