Préfecture : le calvaire imposé par l’administration
Une préfecture est un sas d’entrée obligatoire pour tout étranger qui souhaite disposer d’un titre de séjour en France. Malheureusement, l’accueil y est tellement horrible que cela est devenu une épreuve que certaines personnes ne peuvent plus supporter. Elles se retrouvent à sortir de la préfecture en pensant qu’elles n’ont aucune chance de pouvoir construire leur vie en France comme elles le souhaitent.
Découragement après découragement, les services de la préfecture traitent dans des conditions indignes des milliers d’étrangers chaque année. Et cela dans l’indifférence totale des pouvoirs publics. Tous les pouvoirs publics ?
Non pas tous. Il en reste un qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Pointant sans relâche les discriminations, traquant les illégalités constatées envers les personnes les moins bien protégées de notre pays : Batman ? Non le Défenseur des droits.
Critiquer l’administration d’un point de vue purement idéologique n’est pas l’objet de cet article. Il s’agit plutôt de démontrer comment l’accueil en préfecture est pensé pour le demandeur de titre de séjour. Car derrière ce qu’on pourrait considérer comme de la simple incompétence se cache un système dont le but est d’ajouter des barrières multiples sur le parcours de celui qui souhaite obtenir une carte de séjour en France.
Que nous dit donc Batman (pardon le Défenseur des Droits) sur l’accueil des étrangers en préfecture ? Il faut lire l’imposant mais très intéressant rapport paru en mai 2016 et intitulé « Les Droits fondamentaux des étrangers en France ».
Il nous propose une analyse en trois temps : entrée, plat et dessert. Car pour déposer une demande de titre de séjour, il faut déjà arriver à rentrer dans le bâtiment ce qui n’est pas une évidence. Si les files d’attente interminables sont de moins en moins nombreuses, il reste encore des préfectures où cela se pratique.
Le Défenseur des droits y voit une atteinte à la dignité humaine protégée par la constitution. Mais pourquoi me direz-vous ? Les conditions d’accueil des étrangers qui doivent parfois faire la queue la nuit dans le froid pendant des heures sont inhumaines. Pour ceux qui me lisent, c’est une triste évidence mais au moins le Défenseur des Droits est sur le coup maintenant.
On attaque le plat de résistance. Car clairement certains agents du guichet dans certaines préfectures font de la résistance. Alors je ne saurai présumer savoir ce qui les motivent et je préfère ne pas me mettre à leur place. Voici que dit le Défenseur des droits dans son rapport concernant le « refus guichet » :
« Quels que soient les motifs invoqués à leur l’appui (dossier incomplet, demande irrecevable, manifestement infondée, etc.), et même s’ils sont parfois le fruit d’une intention bienveillante visant à prémunir l’étranger contre une décision négative, de tels refus sont illégaux dans la mesure où ils aboutissent à priver les usagers de tout accès à la procédure, c’est-à-dire à la possibilité de voir examiner son dossier, de se voir délivrer un récépissé et, éventuellement, d’exercer un recours contre une décision de refus »
On peut difficilement être plus explicite sur le refus d’enregistrement au guichet de la préfecture.
Malheureusement, il subsiste encore énormément de refus d’enregistrement ce qui place l’étranger dans une situation plus que complexe puisqu’on lui oppose un refus contre lequel il n’a pas de recours judiciaire à exercer (ou du moins qu’il en ait conscience). Ce constat amer est une réalité encore bien trop présente et qu’il faut absolument combattre.
Le Défenseur des droits préconise dans son rapport que si un agent souhaite opposer un refus d’enregistrement , l’étranger doit se voir remettre un document écrit qui préciserait la préfecture en cause, la date et le motifs du refus ainsi que les voies de recours.
Pour l’instant, aucune suite n’a été donnée à cette proposition par le gouvernement.
Pourtant il existe bien un principe à valeur constitutionnel qui s’appelle l’égalité devant le service public. Il a été dégagé par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel en se fondant sur le préambule de la Constitution de 1946. Pour faire simple, il signifie simplement que toutes les personnes qui se présentent à une administration (la préfecture) doivent être traitées sans discrimination.
Autre solution que tout étranger peut également exercer, s’il est constaté un tel refus, c’est de saisir le Défenseur des droits via son site internet. Il n’est pas nécessaire d’être en situation régulière pour le faire.
L’ultime élément dans les refus de titre de séjour ab initio de la préfecture est l’instruction d’un dossier sans suite pendant plusieurs mois ou années ce qui aboutit encore à une situation d’extrême précarité et à l’absence de possibilité de recours.
A l’heure actuelle, les refus d’enregistrement sont de plus en plus nombreux. Le traitement des étrangers en préfecture se dégrade jour après jours. Toutefois, ce n’est qu’en combattant cet état de fait et notamment par la saisine du Défenseur des droits ou du Tribunal administratif qu’il sera possible de changer cette procédure pour qu’elle retrouve son humanité.
Article précédent : Titre de séjour : vers la dématérialisation de la demande - Article suivant : Droit des étrangers en 2017 : l’année de tous les dangers ?