Titre de séjour : vers la dématérialisation de la demande
Pour changer un peu, j’ai décidé de faire un article sur l’évolution majeure à venir en ce qui concerne la procédure de demande de titre de séjour en préfecture pour les étrangers (en situation régulière ou irrégulière). Car la dématérialisation des dossiers est prévue par l’administration dans les années à venir et elle va probablement avoir un impact significatif.
Simplement dit : bientôt il sera possible de faire une demande de titre de séjour par internet sans devoir se présenter physiquement à la préfecture. Il est encore tôt pour dire la forme que cela prendra mais on peut imaginer une plateforme sur le site de la préfecture concernée avec un numéro par personne étrangère et un mot de passe. De la même manière, que les clients du cabinet peuvent suivre l’évolution de leur dossier via ce site, ils pourront demain suivre l’évolution de la demande à la préfecture.
Quelques points négatifs qu’on peut déjà anticiper : il est évident que pour certains, cela sera difficile d’accès, s’ils n’ont pas l’habitude des outils informatiques. Néanmoins, ils pourront se faire aider par des proches ou des associations. Un risque plus important serait que la décision de refus de titre de séjour et d’obligation de quitter le territoire soit notifiée de cette manière sans envoi par lettre recommandée avec accusé de réception. A ce titre, le juge administratif est très en avance par rapport aux autres juridictions sur la dématérialisation des procédures et pourrait se laisser convaincre par un tel changement. Le risque serait donc que le délai de recours expire plus rapidement et qu’il y ait plus de « louper » du côté des étrangers qui ne suivraient pas suffisamment leur dossier.
J’y vois néanmoins plus de points positifs à mon sens. Cela marquera la fin de l’accueil en préfecture qui est devenu un calvaire pour tout demandeur de titre de séjour. Les refus « guichet » ne seraient plus possible (ou devraient être mieux justifiés) et certaines personnes malveillantes dans certaines préfectures situées dans une région de montagnes ne pourraient plus faire la loi comme c’est le cas actuellement. On peut également ajouter que ce ne serait plus possible d’égarer un dossier de demande de titre de séjour comme cela arrive encore trop souvent ou en cas de transfert d’un dossier à une autre préfecture. Le dossier de la demande serait en accès permanent sur le site sécurisé de la préfecture.
En effet, et de manière récurrente, certaines préfectures demandent des pièces inutiles ou illégales. Se sentant tout puissant, et tout sachant, certains guichetiers refusent des demandes alors que des pièces ne sont pas obligatoires. Un exemple type : le passeport exigé alors que le CESEDA est très clair sur ce point. Encore très récemment, le juge administratif a sanctionné la préfecture de la Haute-Garonne pour cette raison (TA Toulouse, n° 1701375). Une plateforme standardisée, similaire en tout point sur le territoire, permettrait d’évacuer une telle pratique provoquant une inégalité dans l’accès à un service public pour les administrés.
De plus, les délais pourraient être mieux observés notamment parce que l’effort de ressources tourné vers les personnels des guichets se reporteraient sur celui de traitement des dossiers. D’ailleurs, les préfectures affichent de plus en plus souvent l’adresse mail du service des étrangers sur leur site internet. Ils permettent une communication qui peut parfois être utile pour éviter un refus de titre de séjour fondé sur l’absence d’une pièce alors que l’étranger en dispose concrètement.
Pour les renouvellements de titre de séjour, cela irait probablement encore plus vite puisque seul les preuves que l’étranger remplisse toujours les critères imposés par le titre de séjour qui lui a été délivré seront demandées. Plus besoin de passer des heures à attendre pour déposer des pièces comme des justificatifs de résidence commune ou de participation à l’entretien et à l’éducation de l’enfant français.
Je n’ai eu accès à aucune note du ministère sur le sujet mais il est clair que la dématérialisation de la demande de titre de séjour est dans l’air du temps. Pour l’instant, l’attention de l’exécutif est exclusivement tournée vers les demandeurs d’asile (à tort et en l’absence de toute vision à long terme du « problème » comme si les étrangers représentaient une menace pour la société alors que toutes les études économiques démontrent l’impact positif de l’immigration dans les pays développés).
Il faut s’y préparer et je souhaite que mon cabinet soit le premier à anticiper ce changement quand il interviendra afin de pouvoir renseigner aux mieux mes clients sur le traitement et la démarche à suivre lorsqu’ils déposeront une demande de titre de séjour en France.
Tout changement n’est pas négatif en soi. Mais il faudra évidemment que les associations et les avocats, soient vigilants lors de la mise en place de ces futures plateformes pour éviter qu’elles ne deviennent des obstacles (supplémentaires) sur le parcours des étrangers.
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