Le vice de procédure dans le contentieux du droit des étrangers
Le vice de procédure est en droit administratif un moyen que l’on peut utiliser pour obtenir l’annulation d’une décision. J’utilise le terme vice de procédure de manière générique afin que le lecteur puisse comprendre sans avoir besoin de connaissances juridiques particulières et il y aura donc un abus de langage de ma part sur la notion de vice de procédure mais elle est délibérée. Nous allons voir les divers vices de procédure qui existent dans le contentieux des étrangers. Une première limite sera d’abord posée quand à l’utilisation de ce moyen devant le juge administratif.
L’effectivité du vice de procédure devant le juge administratif
Il faut savoir que pour soulever un vice de procédure devant le Tribunal administratif, cela ne suffit pas à obtenir l’annulation de la décision. Depuis une très importante décision rendue par le Conseil d’État en 2011 (CE, 23 décembre 2011 ,N° 335033), il faut que le vice de procédure ait privé le requérant d’une garantie. Pour l’expliquer simplement, si le droit prévoit qu’il existe une procédure à respecter avant de prendre une décision, si l’administration ne respecte pas cette procédure mais qu’au final cela n’a pas empêché la personne lésée de faire valoir sa position ou ses arguments, elle n’a pas été privée d’une garantie.
Le vice de procédure est donc loin d’être une garantie de voir une décision annulée par le juge administratif. Par exemple en droit des étrangers, c’est le droit d’être entendu tel qu’il ressort de la charte des droits fondamentaux de l’UE qui a été la première victime de ce qu’on nomme la « danthonysation ». Souvent soulevé pour argumenter que l’administration n’avait pas laissé à l’étranger la possibilité de s’exprimer et de donner toutes les informations qui le concernent, le juge administratif a estimé très vite que même si la procédure n’a pas été correctement respectée, cela ne changeait rien car l’étranger aurait reçu une décision similaire.
Les cas de vice de procédure dans le contentieux des étrangers
Mais il reste encore la possibilité de faire valoir un vice de procédure tout en démontrant qu’il a bien lésé l’étranger d’une garantie. Plusieurs cas existent où le juge administratif reconnaît encore ce moyen comme suffisant pour justifier l’annulation d’une décision de refus de titre de séjour ou d’éloignement (oqtf). C’est souvent lorsque le CESEDA prévoit qu’avant la décision de la préfecture, celle-ci doit recueillir l’avis d’une autre administration ou d’une commission. C’est le cas notamment pour les titres de séjour à vocation professionnelle. Pour tous les types de séjour prévus à l’article L313-10, la DIRECCTE doit être consultée par la préfecture. En cas de non justification de cette dernière d’avoir correctement saisi la DIRECCTE, sa décision peut être entachée d’un vice de procédure. Mais encore une fois si l’administration démontre que même en saisissant la DIRECCTE, le résultat aurait été le même, il n’est pas certain que le vice de procédure ne soit pas « danthonyser ».
Un des autres vices de procédure utilisé dans le contentieux du droit des étrangers est celui lié à la présence en France depuis de très nombreuses années d’un étranger. En effet dans un cas comme celui-là, la Préfecture doit saisir une commission avant de prendre une décision de refus de titre de séjour à l’encontre de l’étranger en question. L’avis de cette commission porte sur l’intégration de l’étranger. Toutefois si l’ étranger n’apporte pas suffisamment de preuves qu’il est là depuis autant d’années, la préfecture ne saisira pas la commission et le juge administratif suivra cette analyse.
Le troisième et dernier vice de procédure est celui qui concerne les étrangers malades de l’article L313-11 11 du CESEDA. Le Préfet ne dispose pas de connaissances d’ordre médical. Il ne pourrait pas justifier d’un refus de titre de séjour à un étranger qui demanderait un tel titre car il est malade. De plus, le secret médical s’opposerait à la connaissance par l’administration de la maladie dont il souffre. La procédure prévoit qu’un médecin (avant) ou plusieurs médecins (maintenant) donne(nt) un avis sur la continuité des soins en France de l’étranger. La production de l’avis fait partie de la procédure et il s’agit d’un autre cas où le défaut de la production par la préfecture de l’avis médical en cas de refus serait susceptible d’être considéré comme un vice de procédure.
Le vice de procédure n’est pas répandu de manière très large dans le contentieux du droit des étrangers. La raison est plutôt simple : le pouvoir législatif a voulu que l’administration conserve un large pouvoir pour apprécier les situations des étrangers en France. Par conséquent, pour qu’elle puisse aller vite dans le traitement du dossier, il ne fallait pas lui imposer des conditions de procédure trop complexes qui auraient pu résulter dans l’annulation de ses décisions. La « danthonysation » de ce qui a substitué à encore affaibli les garanties procédurales pour les étrangers en France.