Gillioen avocat

Métiers en tension et la régularisation accélérée

Les métiers en tension et la régularisation connaissent, depuis la publication de l‘arrêté du 21/5/2025, une seconde jeunesse (si tant est qu’il y en ait une première). Peu connu, nous en entendons parler au quotidien à tel point qu’on se demande s’il n’existe plus que des métiers en tension désormais.

Le problème est que cette liste distrait les personnes étrangères concernées des autres critères prévus par l’article L435-4 du CESEDA. Or, ils sont tout aussi importants et, plus encore, l’administration veille scrupuleusement à leur application.

D’un point de vue des employeurs, il est clair que les métiers en tension et la régularisation créent une nouvelle possibilité pour obtenir un titre de séjour pour les étrangers en situation irrégulière. L’employeur doit cependant rester vigilant car, dans la pratique, et même si le but initial de l’article L425-4 était de faire sauter le verrou que représentaient certains employeurs malhonnêtes qui profitaient de la situation, la réalité n’a pas évolué.

métiers en tension et la régularisationPremier des critères dans les métiers en tension et la régularisation : la durée de présence sur le territoire. Elle doit être de trois années. Comme toute ancienneté de présence sur le territoire, elle doit être prouvée par des preuves dont le caractère probatoire est certain ou élevé. Une attestation du beau-frère de l’oncle de la personne n’a aucune valeur probatoire. Si ce critère fait défaut, il faudra attendre d’arriver à trois années de présence avec les preuves adéquates.

Second critère : le fait d’occuper un emploi. Étrangement, celui-ci est le plus souvent « éliminé ». On constate des personnes qui, parce qu’elles ont 12 fiches de paie, pensent qu’elles peuvent s’engager dans la voie des métiers en tension et la régularisation. C’est inexact. En effet, il est impératif, pour pouvoir en bénéficier, de justifier occuper un emploi au moment de la demande.

C’est d’ailleurs à ce stade que l’administration demande des documents qu’un employeur, qui ne souhaiterait pas que son salarié puisse se régulariser, va bloquer la procédure. Un exemple classique est l’attestation de vigilance URSSAF. L’administration la demande à chaque fois. Or, si l’employeur n’est pas disposé à ce que l’étranger puisse se régulariser, il ne lui donnera jamais le document et il ne pourra pas obtenir le titre de séjour prévu.

Troisième critère : c’est le plus connu mais peut-être le plus soumis à interprétation et à arbitraire. Il faut que les 12 fiches de paie soient dans un métier en tension tel que ceux-ci sont indiqués dans la liste des métiers en tension. Toutefois, les équivalences sont parfois troubles et manquent de clarté. Dès lors, l’agent instructeur peut simplement rejeter la demande en estimant que le métier ne correspond pas à ce qui est indiqué dans la liste.

Si les trois critères sont remplis, alors l’étranger peut demander sa régularisation. Mais n’oublions pas qu’il s’agit toujours d’une procédure soumise au caractère exceptionnel qu’elle peut revêtir. Ainsi, le Préfet peut toujours refuser une régularisation au titre des métiers en tension. Il faut ainsi savoir rester prudent dans l’application de cette procédure.

À ce stade, la jurisprudence n’est pas encore très fournie sur le sujet. L’article existe depuis janvier 2024, et peu de refus ont été observés. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y en a pas.

Il est évident que les décisions des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel vont venir éclairer l’application des métiers en tension et de la régularisation.

En conclusion, si cette possibilité est une très bonne chose pour l’employeur et l’étranger qui travaille, il faut rester prudent et ne pas se fier à tout et n’importe quoi. Les critères sont précis et obligatoires, et engager une telle procédure sans les respecter serait extrêmement périlleux et non recommandable au vu des conséquences d’un refus de titre de séjour et d’une obligation de quitter le territoire.