Régularisation par le travail : une solution toujours d’actualité
La régularisation par le travail n’a pas disparu. En effet, en répondant récemment à une question portant sur l’immigration professionnelle de manière plus générale, on m’a informé que certains affirment qu’il n’est aujourd’hui plus possible d’obtenir un titre de séjour pour motif salarial quand on est un étranger en situation irrégulière vivant en France.
Il est impossible de donner une réponse catégorique à cette question. Toutes les demandes de régularisation par le travail n’ont pas vocation à aboutir c’est une évidence. Je pense qu’il existe deux raisons fondamentales qui font croire que cela n’est plus possible. Néanmoins, encore très récemment, plusieurs dossiers de demande de titre de séjour déposés sur ce fondement ont abouti et les personnes ont obtenues leur titre de séjour. Ce qui est donc certain c’est que cela est possible.
Le cadre juridique de la régularisation par le travail est le premier obstacle qui rend cette procédure plus incertaine. Il repose sur l’article L313-14 du CESEDA et la circulaire du 28 novembre 2012. Dans un avis rendu en 2015, le Conseil d’État a estimé que les dispositions de cette circulaire n’étaient pas opposable à l’administration (plus exactement elle a tranché le débat entre les lignes directrices et l’orientation général à caractère non réglementaire). Conséquence : un étranger qui dépose un dossier pour obtenir sa régularisation par le travail n’est pas en mesure juridiquement d’exiger l’application de la circulaire et notamment des critères qu’elle pose.
Il est indispensable de comprendre qu’une demande de régularisation par le travail est par définition une possibilité pour le Préfet mais non pas une obligation. Il ne sera jamais obligé de délivrer un titre de séjour pour ce motif s’il estime ne pas avoir à le faire. Or dans les décisions de rejet de titre de séjour présenté sur ce fondement, l’analyse des services de la préfecture reste superficiel et elles saisissent assez peu la DIRECCTE pour avoir l’avis favorable ou défavorable de cette dernière.
L’autre problème juridique c’est que le titre de séjour sollicité concerne le travail. Mais dans plusieurs cas la situation des travailleurs étrangers est déterminée par un accord bilatéral qui empêche l’application de la circulaire du 28 novembre 2012. C’est le cas notamment des algériens, marocains, tunisiens, sénégalais. Soit une partie conséquente de la population immigrée en France. Et donc il est encore plus difficile pour les ressortissants de ces pays de solliciter une régularisation par le travail.
Le second obstacle découle logiquement du premier. Trop souvent les étrangers qui sollicitent ce type d’admission au séjour n’en remplissent pas les conditions exigées par la circulaire. Il existe plein d’exemples mais les plus communs sont les suivants : une promesse d’embauche qui n’est pas accompagnée du formulaire CERFA de demande d’autorisation de travail, des fiches de paie trop peu nombreuses et qui ne situent pas dans les 12 ou 24 mois précédent la demande, pas de preuves d’ancienneté sur le territoire depuis 5 ans.
Dans ces cas-là, il est évident que la demande n’aboutira pas. Une prise de conscience sur la réalité même de la régularisation par le travail est nécessaire. Sans cela, effectivement, il devient très difficile d’espérer une régularisation de la situation administrative de l’étranger.
Par contre si les conditions sont respectées, si l’employeur a correctement rempli le formulaire CERFA et fourni à la DIRECCTE les documents exigés par la suite, si l’étranger justifie du nombre de fiches de paie demandés ainsi que de l’ancienneté sur le territoire, la régularisation par le travail est tout à fait possible. Le délai du traitement du dossier peut être plus long que la moyenne mais a contrario derrière c’est la délivrance du précieux sésame : la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » prévu à l’article L313-10 1° du CESEDA.
Il ne faut pas affirmer que la régularisation par le travail est impossible. Elle fonctionne voir même plutôt bien. Le problème se situe plus sur le manque de compréhension de sa réalité juridique par les demandeurs qui se méprennent en pensant que parce qu’ils remplissent l’une ou l’autre des conditions, elle sera forcément accordée. Ce n’est clairement pas le cas.