Gillioen avocat

Dysfonctionnement ANEF : un rapport du Défenseur des droits qui sonne comme une évidence

Le dysfonctionnement ANEF est devenu en l’espace de quelques années une problèmatique supplémentaire dans un domaine (le droit de l’immigration et des étrangers) qui n’en manquait pas. L’ANEF pour Agence Nationale des Etrangers en France est une plateforme qui permet à un étranger de gérer son statut en matière de droit au séjour. Cela peut consister par exemple à demander le renouvellement d’un titre de séjour mais aussi changer son adresse ou bien demander la naturalisation par décret de l’autorité publique.

En 2021, l’ANEF a commencé à être rendue obligatoire pour le dépôt de certaines demandes de titre de séjour (le titre de séjour « étudiant »). Son domaine a progressivement augmenter jusqu’à aujourd’hui avec des nombreux titres de séjour comme conjoint de française, carte de résident ou Talent. Il est intéressant de rappeler qu’il était prévu que la migration de toutes les demandes vers l’ANEF serait réalisée en 2022. Trois ans plus tard, il existe encore de très nombreux titres de séjour exclus de l’ANEF : salarié, entrepreneur-profession libérale, vie privée et familiale L423-23…

Le défenseur des Droits, une autorité administrative indépendante, a rendu un rapport afin de faire un bilan des 3 premières années d’exploitation et d’utilisation de l’ANEF. Sans aucune surprise pour les personnes qui ont l’habitude d’utiliser l’ANEF, le résultat est très mauvais. A tel point que le DDD estime même que l’ANEF a accru les problèmes qui existaient avant son déploiement.

dysfonctionnement ANEF

Voici les 5 principaux constats :

  • Dysfonctionnement ANEF techniques persistants : La plateforme ANEF est entachée de bugs et de choix de conception qui compliquent le dépôt et l’instruction des demandes de titres de séjour. Ces problèmes créent une confusion due à un déploiement parcellaire du système.​

  • Insuffisance des dispositifs d’accompagnement : Malgré le caractère obligatoire du recours à l’ANEF, les services d’accompagnement tels que le Centre de contact citoyen et les points d’accueil numérique sont jugés trop limités pour répondre efficacement aux besoins des usagers.​

  • Atteintes aux droits des usagers : La dématérialisation a engendré des atteintes massives aux droits des étrangers, notamment en raison de l’impossibilité d’accéder à des démarches alternatives non dématérialisées, ce qui exclut une partie de la population.​

  • Recommandations pour une accessibilité omnicanal : Le Défenseur des droits préconise l’intégration dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) d’une disposition garantissant le droit de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable. Il recommande également une amélioration de l’information diffusée aux usagers sur les sites internet des préfectures.​

  • Absence de délivrance des documents provisoires (Attesation de Prolongation d’Instruction) : Le rapport suggère d’améliorer le régime des documents de séjour dématérialisés, notamment en mettant en œuvre le renouvellement automatique des attestations de prolongation d’instruction et en créant une attestation dématérialisée créatrice de droits pour les personnes sollicitant la régularisation de leur situation administrative.

Le dysfonctionnement de l’ANEF est devenu extrêmement fréquent. Ce que le rapport ne dit pas par contre c’est le coût massif qu’il représente à la fois pour les étrangers mais pour l’Etat également. Car la personne étrangère victime d’une rupture de droit va se tourner vers le juge administratif (à juste titre) et obtenir son document temporaire ainsi qu’une condamnation de l’Etat. S’il apparaît à la lecture du rapport que le disfonctionnement ANEF est clairement la chose qui ressort le plus depuis la mise en place de ce système c’est qu’il est nécessaire que celui-ci évolue.

Plutôt que d’augmenter le nombre de cas relevant de l’ANEF, l’Etat devrait se concentrer sur la réparation et la mise à jour du système actuel afin qu’il puisse vraiment devenir l’outil prévu. Lorsque celui-ci fonctionnera réellement alors il sera possible d’en faire la seule interface. Mais dans l’état actuel des choses, cela ne ferait qu’amplifier le désastre.