Projet de loi immigration 2023 : effet d’annonce et renforcement de la répression
Le projet de loi immigration 2023 a commencé à faire parler de lui dans les médias. Comme à chaque projet de loi dans le domaine de l’immigration, tout le monde s’agite et les médias s’emparent de la question mais avec beaucoup d’approximation et le gouvernement tente de montrer qu’il fait quelque chose contre une prétendue vague migratoire inexistante mais toujours exploitable pour faire parler de soi comme le fait si bien l’actuel Ministre de l’Intérieur. A cela, on peut ajouter une belle polémique nauséabonde suite à un fait divers sordide dont le lien avec l’immigration est inexistant.
Et donc au milieu de toute cela, nous avons pu découvrir le nouveau projet de loi porté par le gouvernement. Le domaine de l’immigration est probablement un des plus légiféré en France. C’est à cause de cela qu’il est si complexe et que contrairement à la volonté de tous les gouvernements de rendre les procédures plus simples elles deviennent toujours plus compliquées et par conséquent moins efficace.
Évidemment ce projet de loi immigration 2023 sert avant tout à dire que quelque chose a été fait mais aucune réforme en profondeur et réelle n’est attendue (c’était déjà le cas en 2016 et 2018 et 2021). Plutôt que de refondre un système qui s’écroule le gouvernement va ajouter un étage supplémentaire à l’édifice, histoire de voir si ça peut encore tenir.
Avant de parler des propositions du gouvernement, il est impératif de rappeler qu’il ne s’agit que d’un projet de loi qui à ce stade n’a pas été communiqué autrement que via des interviews dans les médias. Avant de devenir une loi, il se passe un certain temps et il sera forcément amendé lors de son passage au parlement.
L’actuelle situation politique du gouvernement au parlement explique d’ailleurs la nature du projet de loi en lui-même. Le gouvernement sait qu’il ne peut pas le faire passer avec sa seule majorité relative et il ne va pas utiliser un article 49.3 sur ce sujet. Il espère donc satisfaire les oppositions avec de la répression des étrangers pour la droite et l’extrême droite et une pseudo nouveauté avec un titre de séjour pour les métiers en tension pour la gauche. Le risque existe que personne ne soit satisfait et qu’au final le projet échoue tout dépendra de la configuration des débats.
Commençons avec les obligations de quitter le territoire (OQTF). Le gouvernement veut que la préfecture assure un suivi de ces mesures d’éloignement et des personnes qui les ont reçues. La mesure semble vouer à l’échec avant même sa mise en place. Les services des préfectures sont débordés mais le gouvernement veut encore leur ajouter une chage supplémentaire ? Si c’est le cas, ils devront prendre des ressources humaines ailleurs et qui en patira alors ? Les étrangers en situation régulière dont les demandes de renouvellement vont encore s’allonger ? Les demandes de naturalisation par décret ?
En pratique « suivre » ou ficher des étrangers sous OQTF paraît difficile et risque de faire passer ces derniers dans la clandestinité (travail non déclaré) et encore plus difficile à retrouver pour faire exécuter les décisions.
Bref une nouvelle usine à gaz qui ne produire certainement aucun effet.
Le gouvernement veut également réduire les délais de recours contre ces décisions pour pouvoir les exécuter plus vite. Il existe aujourd’hui 12 catégories de re cours et le gouvernement n’en voudrait plus que quatre à la place. Mais le problème avec ça c’est qu’un recours doit être jugé par le Tribunal administratif et la mesure ne peut pas être exécutée avant.
Or la longueur des délais ne vient pas de la typologie des recours mais de leur jugement par le Tribunal. Par le passé, le gouvernement avait eu l’idée pour accélérer les choses d’augmenter les recours jugés par un seul magistrat. Sauf que les délais de jugement des affaires à juge unique a explosé dans les tribunaux et sont devenus maintenant aussi long que les recours classiques.
Et les effets de cette réforme ne se feront pas sentir avant de nombreux mois.
Du côté des choses plutôt positives, la création d’un titre de séjour « métier en tension » pour les étrangers en situation irrégulière. L’idée serait qu’un étranger en situation irrégulière puisse être régularisé si il travaille et qu’il s’agit d’un métier qui connait des difficultés de recrutement.
Premièrement, la situation actuelle répond déjà à cette problématique. Un étranger en situation irrégulière qui demande une régularisation exceptionnelle par le travail ne se voit pas opposer la situation de l’emploi. Pour le dire simplement, un étranger en situation irrégulière qui veut être régularisé par son travail peut l’être quelque soit l’emploi qu’il occupe.
Donc clairement la création d’un titre de séjour pour des métiers en tension reviendrait à faire ce qui existe déjà.
Deuxièmement, est-ce que cela veut dire que le gouvernement actuel va créer un titre de séjour qui permet à un étranger de demander à être régularisé ? Actuellement la régularisation fonctionne sur la base de l’article L435-1 du CESEDA et de la circulaire du 28 novembre 2012 non-opposable à l’administration. Il n’existe aucun fondement légal à la régularisation pour laisser au préfet toute la latitude possible pour choisir les cas de régularisation.
L’instauration d’une base légale pour la régularisation serait vraiment une évolution majeure dans le domaine. Voila pourquoi il me semble que ca ne sera surement pas quelque chose d’aussi novateur mais probablement une forme détournée de ce qui existe déjà.
Ce projet de loi immigration 2023 à ce stade semble déjà condamné à rejoindre la longue liste de réforme inaboutie qui a participé à la création d’un système insensé et inefficace. Malheureusement c’est aussi le résultat de la piètre qualité des réflexions en amont.
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