Gillioen avocat

Parent d’enfant français ? Attention conditions d’octroi glissantes !

L’article L. 313-11 6° du CESEDA prévoit qu’un titre de séjour est décerné de droit aux ressortissants étrangers dont l’enfant mineur réside en France et auquel il contribue à l’entretien ainsi qu’à l’éducation. Effectivement, cela peut sembler évident que lorsqu’on est le parent d’un enfant dont on a la charge on s’en occupe et on pourvoit à ses besoins. Mais la réalité n’est pas aussi simple et l’administration cherche bien souvent à refuser la délivrance de ce titre de séjour ou son renouvellement ce qui s’accompagne dans la pratique presque toujours d’une obligation de quitter le territoire français.

Au fil des dossiers, j’ai pu m’apercevoir que plusieurs questions ressortent de cette thématique des enfants français et je vais essayer d’y répondre dans cet article avec à la fin une décision du Tribunal illustrant ce contentieux.

Je ne vais pas revenir sur l’obligation de visa préalable à l’entrée sur le territoire,mais elle s’applique également au parent d’enfant français dans une certaine mesure puisque s’il n’est pas sur le territoire au moment de faire la demande de titre il lui faudra solliciter un visa de long séjour. S’il est déjà présent, et même s’il est entré en France de manière irrégulière, l’administration ne pourra pas lui opposer l’absence de visa s’il est parent d’enfant français.

D’abord, et ça peut sembler d’une évidence absolue, mais il faut que l’enfant soit né. Il s’agit ici d’une considération qui n’est pas propre au droit administratif mais au droit français en général qui distingue entre le sujet et l’objet. En gros, soit vous êtes un être humain, vous respirez et êtes un sujet de droit soit vous êtes un objet ce qui englobe tout le reste (la question des animaux est souvent un point de friction…cela me rappelle un passionnant sujet de note de synthèse). Le fœtus ne s’est pas vu reconnaitre en droit un statut équivalent à celui d’une personne. Par conséquent, les droits qui peuvent découler de son existence ne sauraient encore exister.

Ensuite, il faut prouver la filiation. Celle-ci résultant d’un acte déclaratif, elle est rarement remise en cause par l’administration car le juge administratif lui a reconnu une valeur probante. Toutefois si l’enfant français est né à l’étranger, il appartiendra de faire transcrire l’acte de naissance à l’état civil de Nantes. Autre prérequis : la résidence habituelle en France. Petite précision : Mayotte fait partie de la France depuis le 26 mai 2014 dès lors l’enfant mineur qui vit à Mayotte est considéré comme résidant en France.  Il faut également que l’enfant soit mineur mais lorsque celui-ci accède à la majorité, cela n’empêchera pas le renouvellement du titre de séjour en qualité de parent de français prévu à l’article L. 313-11 6° du CESEDA.

Enfin, et c’est là que réside tout le contentieux et l’enjeu lié au titre de séjour pour le parent d’enfant français : démontrer qu’il contribue à l’éducation et à l’entretien de ce dernier. Cela doit être établi depuis la naissance ou depuis au moins deux ans.  Une circulaire de 2004 prévoit que même si le demandeur de titre ne dispose pas de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de l’enfant, il peut par « tout autre moyen remplir ses obligations en matière de surveillance et d’éducation de l’enfant. »

Donc il y a deux possibilités à ce stade pour prouver son droit au séjour comme parent de français :

  • Cas numéro 1 : la personne peut contribuer de manière effective à l’entretien de l’enfant.
  • Cas numéro 2 : Il faut que le parent étranger prouve qu’il participe à l’éducation de l’enfant.

Vient se greffer à ces conditions pas toujours évidentes à établir, les considérations de l’intérêt supérieur de l’enfant à l’article 3 – 1 de la convention internationale des droits de l’enfant et les éléments liés à la vie privée et familiale de l’article 8 de la CEDH.

Pour une illustration jurisprudentielle : une ordonnance que j’ai obtenue pour un parent d’enfant français vivant à Mayotte, qui est venu en France Métropolitaine et à qui on a refusé le renouvellement de son titre. Le juge des référés ordonne la suspension du refus, le réexamen du dossier, la délivrance d’une APS et condamne l’État à verser 1000 euros au titre l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

TA Montpellier 3.8.2016 Ordo L.313-11 6° doute sérieux -refus TS implicite – Mayotte

Il n’est jamais d’une évidence absolue de prouver son droit au séjour quand on décide d’immigrer et il faut faire preuve de discernent et de prudence dans cette demande, particulièrement avec celle relative au parent d’enfant français.