Étranger malade : un statut évolutif et complexe
Un des domaines sur lequel je n’ai pas encore écrit d’article est celui des étrangers malades. Ce titre de séjour prévu à l’article L 313-11 11° du CESEDA revête de nombreuses spécificités qui doivent être éclairées pour les personnes susceptibles de pouvoir en bénéficier.
Ce n’est pas le titre de séjour le plus délivré par les autorités mais il génère un contentieux qui lui est devenu propre devant les tribunaux. C’est assez unique car à ce niveau-là, il est complètement différent des autres titres de séjour. La preuve de l’absence ou non de traitement dans le pays d’origine peut être rapportée en cours d’instruction et il n’est pas nécessaire que cela soit fait au moment de la demande ou du renouvellement.
Mais je m’égare car je reviendrai dans un autre article sur le contentieux. Il faut d’abord expliquer qui peut prétendre à ce titre et comment. D’autant que les conditions d’octroi vont être modifiées à partir du 1er janvier 2017.
Ce titre de séjour pour étranger malade répond d’abord à une considération humanitaire. Une personne dont on sait qu’elle risque sa vie pour des raisons médicales en cas de retour dans son pays par manque de traitement doit pouvoir rester en France pour se faire soigner correctement. Refuser un titre de séjour serait l’équivalent d’une condamnation à mort pour certaines pathologies (SIDA, cancers, diabète, syndrome de trouble post-traumatique).
C’est en cela que réside la première condition de l’obtention du titre de séjour pour étranger malade. Il faut que la maladie soit suffisamment grave et qu’elle mette en péril la vie du demandeur. Pour faire simple, si vous avez une maladie même incurable mais qui ne risque pas de vous tuer dans un bref délai, il y a de forte chance que le préfet refuse de vous délivrer un titre. Cette réflexion est assez horrible mais c’est une réalité. J’ai notamment traité un dossier d’une personne atteinte d’autisme pour laquelle le Préfet a considéré que cette maladie qui a pourtant des répercussions fortes sur l’environnement d’une personne et sur ses interactions sociales ne lui semblait pas assez grave pour délivrer un titre de séjour.
La seconde partie du puzzle est l’existence ou non d’un traitement (il faut ici faire une distinction avec les ressortissants algériens dont les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 fixe un cadre moins contraignant puisqu’il suffit que le traitement soit indisponible). La notion d’existence du traitement est au cœur des débats. Elle a été mise en place suite à la loi Besson de 2011 sur l’immigration. L’objectif clairement affiché du gouvernement de l’époque était une réduction drastique du nombre de personnes bénéficiant d’un titre de séjour pour se faire soigner en France.
Pourquoi le mot « existence » ? Parce que bien souvent dans les pays qui n’ont pas la chance d’avoir un système de santé d’aussi bonne qualité qu’en France, un traitement peut exister dans certaines cliniques réservées à une toute petite élite locale. Il est ensuite plus facile pour le Préfet de refuser un titre en expliquant gentiment à la personne qui n’a pas les moyens de se payer le traitement ou d’y avoir accès que ce n’est pas grave puisqu’il existe.
Pour déterminer si la maladie est assez grave et si le traitement existe ou non, c’est une agence externe à la Préfecture qui rend un avis (oui parce que sinon vous vous doutez bien que jamais personne n’aurait obtenu un titre de séjour pour étranger malade sinon). Il s’agit de l’agence régionale de santé en abrégé ARS. C’est une agence qui fait partie du Ministère de la Santé. Lorsque l’étranger retire son dossier, on lui demande le nom de son médecin traitant qui est contacté par le médecin de l’ARS afin d’obtenir une copie du dossier médical de la personne. C’est sur la base de ce dossier uniquement que le médecin de l’ARS rend son avis favorable ou non.
Jusqu’il y a 2 ans, les avis des médecins de l’ARS étaient souvent négatifs mais depuis ils ont une tendance à être beaucoup plus favorables. Ne vous réjouissez pas, le juge administratif (comme à son habitude) a considéré que le Préfet n’était pas lié par l’avis du médecin de l’ARS. Donc dans la vaste majorité des cas qui obtiennent un avis positif, le Préfet refuse quand même la délivrance du titre à l’étranger qui n’a d’autre possibilité que d’aller au Tribunal.
Une bonne nouvelle à l’horizon quand même : la loi du 7 mars 2016 a modifié le CESEDA et à partir du 1er janvier 2017 la notion d’« existence » va disparaitre et être remplacée par « l’accessibilité effective » au traitement.
Ce n’est pas grand chose pour ce qui est des décisions de la Préfecture qui risquent de rester de la même nature mais cela pourrait aider devant les tribunaux administratifs les plus réticents.
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