Métiers en tension : une évolution plus que mineure
Les métiers en tension ont beaucoup fait parler d’eux dernièrement. Suite au vote de la loi immigration 2024, un nouvel article a été inséré au CESEDA : l’article L435-4 du CESEDA. Celui-ci prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire pour les étrangers en situation irrégulière.
Cette possibilité a fait couler beaucoup d’encre et a agité la droite réactionnaire tout particulièrement, celle-ci ressortant son sempiternel (et vide) argument de l’appel d’air. S’il n’est pas nécessaire d’expliquer en quoi un tel concept est faux, il a pourtant suffi à faire reculer un gouverment (dont il est vrai que le courage n’était pas la qualité première).
La rédaction finale de cet article est la suivante :
« A titre exceptionnel, et sans que les conditions définies au présent article soient opposables à l’autorité administrative, l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 durant au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, qui occupe un emploi relevant de ces métiers et zones et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “ travailleur temporaire ” ou “ salarié ” d’une durée d’un an. »
Si le projet initial était ambitieux (voir mon billet sur le sujet), le résultat final est au-dela de décevant.
C’est un cas assez unique où une loi est rédigé en indiquant dés les premiers mots qu’elle ne peut pas être opposée à l’administration. C’est une loi mais qui ne contraint pas alors que la définition d’une loi est précisément : « une prescription établie par l’autorité souveraine de l’État, applicable à tous et définissant les droits et les devoirs de chacun ».
En réalité ce n’est rien de plus que le statut actuel où une demande de régularisation n’est jamais de plein droit et que les conditions fixées par la circulaire toujours applicable en la matière ne peut être invoquées dans le cadre d’un recours contre un refus de régularisation d’une personne par le travail.
A ce niveau, cette loi est complètement inutile.
Ensuite la liste des métiers en tension qui seraient selon l’ancien gouvernement, la raison qui motiverait toute la démarche. Mais comme toujours le diable se cache dans les détails. Cette liste est fixée par l’arrêté du 1e avril 2021 et a été complétée de quelques métiers.
C’est à ce stade qu’il est manifeste que cette loi n’est qu’une gabegie. Toutes les personnes qui ont pu utiliser cette liste save très bien à quel point elle est restrictive et déconnectée de la réalité. Voici quelques métiers qui figurent sur la liste et dont on sait bien qu’un étranger en situation irrégulière ne l’exercera jamais : dessinateurs en électricité et en électronique ; géomètres ; pilotes d’installation lourde des industries de transformation.
Les vrais métiers en tension perpétuels : le bâtiment et la restauration. C’est d’ailleurs via la restauration que le thème de la régularisation a été repris. Aucune trace d’un emploi dans la restauration dans la liste des métiers en tension. La situation est donc parfaitement identique au statut antérieur.
Enfin et dernière chose : cette loi est prévue pour être applicable jusqu’en 2026. Au-dela ca ne sera plus le cas.
En conclusion, la possibilité de régulariser un étranger par le travail dans le cadre d’un métier en tension introduite par la loi immigration de 2024 n’est en aucune manière une avancée quelconque en la matière et les restaurateurs en besoin de main d’oeuvre pourront encore attendre longtemps (environ 2 ans d’attente à la Préfecture du Rhône) pour que leurs employés puissent bénéficier d’un titre de séjour.
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